Comment concevoir des espaces de bureaux pour 2,5 millions de personnes

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Comment concevoir des espaces de bureaux pour 2,5 millions de personnes

Temps de lecture :  8 Minutes

La conception d’espaces de travail ne se résume pas au positionnement des bureaux et à l’ajout de deux ou trois plantes en pot. Le journaliste Alexander Garrett a interrogé les équipes Regus afin de déterminer quels sont les éléments essentiels à un espace de bureau optimal.

 

Oubliez les tables de ping-pong, les salles de méditation et même la bière pression dans la salle de pause. Le secret d’un bureau vraiment agréable est ancré bien plus profondément, dans sa conception même. D’après plusieurs rapports, un bel espace de travail, bien conçu, peut booster le bien-être des employés de 33 %(1), alors même que plus de la moitié des travailleurs estiment qu’ils seraient plus productifs s’ils pouvaient exercer dans leur environnement de travail idéal(2).

Les entreprises devraient prêter plus d’attention à ces statistiques. Une étude réalisée par Gensler, un bureau d’architecture international, révèle que la perte de productivité due à une mauvaise conception de l’espace de travail coûterait environ 330 Mds$ aux entreprises aux États-Unis.

Regus comprend toutes ces questions mieux que la plupart des acteurs du secteur. En effet, avec l’ouverture de millions de mètres carrés de nouveaux espaces de travail à travers le monde chaque année, son réseau mondial s’étend quasi quotidiennement et compte plus de 3 100 centres d’affaires dans 1 000 villes à travers plus de 110 pays. Répondre aux besoins de ces 2,5 millions de personnes qui utilisent ces espaces de travail non seulement aujourd’hui, mais aussi dans les prochaines années, est un défi qui requiert une approche innovante du design et une connaissance approfondie des mutations que connaissent nos modes de travail.

1. Comprendre le nouveau monde du travail

« Un espace de travail bien conçu est un juste équilibre entre art et science », indique Filippo Sarti, responsable mondial (basé en Suisse) des services immobiliers et des nouvelles ouvertures de centres pour Regus. « L’art, c’est concevoir un espace séduisant qui suscitera l’émerveillement des utilisateurs. La science, c’est s’assurer que les bureaux conviennent à l’entreprise qui les loue, ainsi qu’à ses employés. »

Il évoque la position unique de Regus qui propose des espaces flexibles à des clients divers et variés à travers le monde. « Nous devons pouvoir planifier et installer les infrastructures de bureau de sorte qu’elles fonctionnent pour tout client potentiel », ajoute-t-il. « De quelle surface auront-ils besoin ? Quels seront leurs besoins en termes d’électricité et de données ? Combien de temps vont-ils rester ? Et que se passera-t-il quand ils partiront ? Est-ce qu’il sera possible de répondre aux besoins du prochain occupant dans ce même espace ? »

« Les gens ont tendance à imaginer que la conception d’espaces de travail se résume à où positionner les bureaux, mais c’est bien plus que ça », explique Francis Cleary, basé à Hong Kong et chef de projet pour les nouvelles ouvertures de centres en Asie-Pacifique chez Regus. « Il s’agit de savoir répondre à quand, où et comment les gens vont travailler. Les travailleurs, toutes générations confondues et pas seulement les Millenials, découvrent les avantages du coworking et du développement de la mobilité. Les bureaux doivent être des espaces favorisant la productivité, la créativité et la collaboration. »

Dans une enquête réalisée par Regus en 2017 auprès de 20 000 responsables séniors et chefs d’entreprise du monde entier, un cinquième a désigné les centres d’affaires comme lieu le plus apprécié pour travailler à distance. « Le bureau d’aujourd’hui évolue vers un espace par type de destination », note M. Cleary. « C’est l’endroit d’où vous avez choisi de travailler, parce que c’est là que vous travaillez le mieux. »

Comment concevoir des espaces de bureaux pour 2,5 millions de personnes

Filippo Sarti, responsable mondial des services immobiliers et des nouvelles ouvertures de centres pour Regus.

 

2. Choisir le modèle de conception

La conception de bureaux modernes a évolué et le design Regus aussi. Par rapport à il y a 30 ans, au moment où l’entreprise a été fondée, un nouveau bureau Regus est aussi différent aujourd’hui qu’une Tesla 2018 d’une Honda Accord de 1989.

Les nouveaux centres d’affaires reposent sur un modèle de conception choisi parmi plusieurs possibles. Le lieu et les futurs clients potentiels déterminent quelle option sera choisie. « Nos clients vont des Millenials travaillant au sein de start-ups technologiques et dans des secteurs créatifs aux professionnels de la finance ou des services », indique M. Cleary. « Nous voulons offrir un espace qui soit favorable à différents types d’entreprises et à leurs besoins. »

Le modèle le plus contemporain, nommé Sagano, offre un design net et moderne qui déploie des lignes épurées avec des matériaux soignés, comme l’acier inoxydable et le verre trempé, pour créer des espaces inspirés de la nature et des quatre saisons. « Un exemple de ce design se trouve au centre Clarahuus à Bâle, en Suisse », précise M. Cleary. « Il confère un aspect plus professionnel, mieux adapté à la région et aux entreprises qui l’utilisent. »

Sagano s’inscrit dans la tendance actuelle en matière de design : la biophilie, un désir humain d’être proche des autres formes de vie dans la nature. En distillant du vivant, des motifs naturels et des éléments de design inspirés de la nature, les travailleurs peuvent se sentir relaxés et en prise avec le monde qui les entoure. « Les matériaux naturels, notamment les placages en bois, associés à un éclairage clair et simple, confèrent un environnement apaisant et productif », indique M. Cleary.

Un autre modèle Regus, Bauhaus, offre une touche plus industrielle qui est plébiscitée par les start-ups et les entreprises plus jeunes. « Pour les entreprises tournées vers des activités artistiques et créatives, Bauhaus offre un environnement élégant et non conventionnel, avec une grande variété de types d’espaces dans lesquels travailler », explique M. Cleary. Le centre Brin à Naples est un exemple admirable du modèle Bauhaus à l’œuvre : un espace au style post-industriel avec des tuyaux en acier apparents et des escaliers en verre.

3. Ne pas oublier les bases

La réflexion nouvelle autour du bien-être des employés alimente aussi le design des bureaux. Des études ont démontré qu’une exposition aux tons bleus et verts peut dynamiser la créativité, tandis que le rouge améliore les performances sur les tâches qui requièrent une attention aux détails.

Et le mobilier ne doit pas être laissé au hasard. Un environnement avec des lignes arrondies (par exemple, une table circulaire dans la salle de réunion ou des bureaux avec des angles arrondis) est associé aux émotions positives, ce qui favorise la créativité et la productivité. « Quel que soit le modèle de conception que nous choisissons, nous faisons attention au moindre détail », indique M. Sarti.

Centre Clarahuus à Bâle, en Suisse

Le centre Regus Clarahuus à Bâle, en Suisse, repose sur le modèle Sagano. 

 

4. Fractionner l’espace

Lors de la conception de bureaux, l’étape suivante consiste à décider comment diviser au mieux l’espace disponible pour obtenir la meilleure combinaison possible de zones de travail diversifiées. Un sondage réalisé par Gensler en 2016 au Royaume-Uni sur les espaces de travail a révélé que 67 % des travailleurs britanniques se sentent épuisés à la fin de chaque journée en raison de leur environnement de travail immédiat et qu’ils se montreraient probablement plus innovants s’ils avaient accès à divers espaces permettant différents styles de travail.

Alors que les environnements en open-space total n’ont plus les bonnes grâces, les bureaux sont repensés afin d’accueillir des formes de travail plus diversifiées, il s’agit de l’ABW (Activity Based Working, espace de travail par activité) et de donner la possibilité de bouger. « Par le passé, les bureaux ressemblaient beaucoup à des salles de classe », note M. Cleary. « Cette uniformité a été remplacée par des éléments divers et variés, avec des bureaux individuels, des zones de réunion, des tables communes, des tables de lecture, des cellules de réflexion, des cabines téléphoniques et des salles de réunion. »

« Le but est d’offrir tous les types d’espace qu’un client peut vouloir. Ce même client peut avoir des besoins fluctuants concernant divers espaces à des moments différents. Le défi est d’estimer correctement la demande pour chaque élément afin que l’espace ne soit jamais surpeuplé ni sous-exploité. »

5. Privilégier les espaces sociaux

Un autre aspect important à prendre en compte est l’espace hors travail. Des études en abondance démontrent que les interactions, y compris les rencontres accidentelles, parfois appelées « collisions créatives », boostent la productivité et ne sont pas des obstacles au rendement. Une étude de cas citée par le magazine Harvard Business Review décrit comment des employés se sont vu remettre des badges sociométriques pour suivre leurs mouvements et leurs interactions. Les données collectées sur plusieurs semaines ont montré que quand un commercial avait 10 % d’interactions en plus avec ses collègues dans d’autres équipes, ses ventes augmentaient également de 10 %.

Décider simplement où installer les machines à café peut s’avérer crucial pour susciter de telles « collisions ». C’est pourquoi l’espace café et l’espace social sont au cœur de chaque nouveau centre d’affaires, de la Chine à la Colombie. « Nous voulons encourager les interactions », indique M. Cleary. « L’espace café est juste à l’entrée quand vous arrivez et il est relié à tous les autres espaces, pour que chaque individu se sente aussi davantage relié aux autres. »

Comment concevoir des espaces de bureaux pour 2,5 millions de personnes

Francis Cleary, chef de projet des nouvelles ouvertures de centres chez Regus pour la zone Asie-Pacifique 

 

6. Créer un sentiment d’appartenance

La dernière étape implique la personnalisation de l’espace avec des matériaux, du mobilier, des tissus d’ameublement et des éléments artistiques. C’est lors de cette phase que nous avons le plus de latitude pour conférer à chaque centre d’affaires son identité propre, en lien avec son implantation locale. Au centre d’affaires Menara Boustead qui a ouvert en 2017 à Penang, en Malaisie, d’anciennes cartes de l’île habillent les murs, tandis que le sol est paré de dalles décoratives provenant des commerces malaisiens traditionnels. « Il s’agit de prélever quelque chose de l’architecture locale afin de créer un sentiment d’appartenance », explique M. Cleary.

« Ce serait une erreur que d’ignorer la contribution locale dans le design », souligne M. Sarti. « Les centres Regus à travers le monde reposent, certes, sur les mêmes directives de conception et visent une qualité constante et standard, mais ils utilisent des produits locaux et sont loin d’être uniformes. »

7. Vérifier le résultat

Que ce soit par des capteurs sous les bureaux ou au travers des technologies intégrées dans les vêtements/accessoires portés par les employés, les bureaux sont de plus en plus connectés et cela influe sur le mode de conception des espaces de travail. « Nous disposons d’une masse énorme de renseignements sur l’exploitation de nos centres », indique Andre Sharpe, directeur des systèmes d’information chez Regus. « Comme un laboratoire, nous sommes capables d’observer comment nos clients utilisent nos produits et services, puis d’effectuer des adaptations sur la base de ces résultats pour offrir une expérience améliorée. »

Il s’agit, par exemple, d’utiliser les données de réservation relatives à chaque élément de bureau qui sont extraites d’autres sites à travers le monde, puis de comparer comment les clients utilisent le centre d’affaires. « Nous pouvons établir quels espaces enregistrent le plus de trafic et à quel moment de la journée. Nous pouvons ainsi déterminer si telle ou telle zone offre les performances escomptées à nos clients. »

« À l’avenir, les entreprises pourront croiser les informations relatives aux allées et venues de leurs employés avec des données de performance », indique M. Sharpe. « Ces résultats pourront ensuite être analysés pour déterminer comment l’espace sert les utilisateurs et comment il influe sur l’entreprise. »

M. Share note que même si la confidentialité des données est une préoccupation majeure, « correctement utilisés, ces services aident les entreprises à créer des bureaux sur mesure qui favorisent la collaboration et des performances positives ».

MM. Cleary et Sarti reconnaissent également qu’il est important d’exploiter ces données dans les conceptions à venir, et que cette perspective est tout à fait passionnante. Comme l’indique M. Cleary, « nous concevons des espaces destinés à des entreprises, mais aussi à des personnes. Si nous pouvons offrir à ces personnes ce qu’elles attendent d’un espace de travail, et même devancer leurs attentes, ce sera positif pour tout le monde. »

 


Alexander Garrett est un journalise freelance britannique qui écrit des articles sur divers sujets économiques pour la presse économique.

Reportages complémentaires par Hannah Hudson

Sources :

(1) https://www.officegenie.co.uk/workplace-happiness-report

(2) http://pdf.savills.com/documents/What_Workers_Want_2016.pdf

(3) https://www.gensler.com/news/press-releases/uk-workplace-survey-2016-findings